L'ART DU TROMPE l'OEIL

9 décembre 2025

L’illusion séculaire. La leçon d’un maître à son élève.


Tout part d’un défi.

Pline l’Ancien nous en fait la narration dans son Histoire naturelle.

 Zeuxis, peintre émérite décide de défier son élève Parrhasius et choisit de représenter des raisins. La virtuosité de l’artiste est telle que des oiseaux tentent de les picorer. Sûr de sa victoire, il se tourne vers son élève et lui demande de dévoiler son œuvre qu’il croit cachée derrière un lourd rideau… Or, il n’y a point de rideau ! L’élève a trompé son maître alors que ce dernier ne se sut abuser que de simples animaux…

Une histoire de talent mais aussi d’humilité. Un pari que des artistes depuis l’antiquité n’ont eu de cesse de relever et ce jusqu’à nos jours.

Les villas ensevelies sous la lave du Vésuve ont dévoilé au XIXème siècle, des intérieurs dans lesquels se déploient des colonnes de marbre et des frises sculptées dont les contours restent plats au toucher… Mantegna fait entrer le ciel dans la chambre des époux au palais ducal de Mantoue au XVème siècle, rien de moins. L’architecture, la nature mais aussi les objets sont entrainés dans cette valse du mimétisme. Des objets inconnus, rares, bizarres… Le XVIIème siècle se passionne pour les cabinets de curiosité. Domenico Remps les prend pour sujet. Il les représente avec un talent tel que l’on pourrait se croire capable de saisir les objets de collection sur les étagères. Le XVIIIème ne dément pas ce goût pour l’illusion. Gabriel Gresly, Jean-Etienne Liotard et Pillement trompent leurs contemporains et ce pour leur plus grand plaisir.

Point d’allusion au XIXème siècle sans mentionner le facétieux Leopold Boilly qui, dit-on, aurait inventé le terme « trompe l’œil » ... Il nous présente en 1810, sur un guéridon des pièces de monnaies et autres ustensiles, criants de vérité.

En dépit des débats philosophiques qui s’agitent depuis des temps immémoriaux pour dénigrer l’Art …cette pâle imitation de la réalité et par la même dénué de grandeur et de sens, le XXème siècle signe et persiste. Réalité et art continuent à marcher de concert avec des artistes tels que Magritte et son tableau « La condition humaine » de 1933. Une toile est sur un chevalet devant une fenêtre ouverte et l’on peine à distinguer l’œuvre du paysage…Vasarely quant à lui donne l’illusion du mouvement … hypnotique. Mais il y aussi Henri Cadiou et sa Joconde dans un emballage déchiré, Gerhard Richter dont l’œuvre est à découvrir en ce moment à la fondation Vuitton à Paris, J.R et son anamorphose en 2019, au pied de la pyramide du Louvre que l’on croit jaillir d’un gouffre.

N'en déplaise à Hegel qui dans son Cours d’esthétique ne trouve nul intérêt à un simple duplicata…

 


Croquis au crayon d'un homme de profil

Le résultat d’un tableau attribué à Gabriel GRESLY (1712-1756) lors de notre vente du 22 novembre   dernier atteste également de l’intérêt des amateurs aujourd’hui. Ce « Trompe l’œil au pèle mêle de gravures et cartes à jouer dédicacé à monsieur de Breteuil » fut vendu 15 375 euros   avec les frais. La planche de bois, la difformité du profil, les feuillets sur lesquels on peut lire « Remède contre le mal de dent » et un autre contre la goutte, la pipe et le ruban… Tout est d’un réalisme saisissant… A l’exception peut-être du troisième document intitulé Pour changer le Cuivre en or… mais qui sait peut-être ce mystérieux secret avait-il été percé à jour ! Les cartes à jouer enfin sales et usagées, le trompe l’œil est un jeu sans fin…

 

Quand la nature s’essaie au trompe l’œil, un coup de maître.

 

La nature s’y emploie également et d’une manière magistrale et fascinante. Il suffit pour s’en convaincre de découvrir dans notre prochaine vente d’entomologie du vendredi 12 décembre les sauterelles feuilles d’Amérique tropicale. Leurs ailes sont des feuilles… nervurées, tâchées, rousses, vertes et jaunes…un leurre extraordinaire.

Au-delà de leur beauté ce mimétisme leur est précieux. Un artifice qui les soustrait aux yeux de leur prédateur. Un moyen de faire durer leur existence dans ce monde où la mort rode.

L’éphémère et la mort c’est aussi cela le trompe l’œil. Un défi contre le temps qui passe.

 

Pour finir, cette citation de Pascal :

« Quelle vanité que la peinture, qui attire par la ressemblance des choses dont on n’admire point les originaux. »

Ne vous lassez point d’admirer la peinture et notre vente du 12 décembre nous rappelle qu’il y a tout lieu d’admirer les originaux aussi !

Les Lépidoptères, Coléoptères, Hémiptère, Orthoptères exotiques vous attendent pour vous offrir leurs formes et leurs couleurs. Mais aussi, des Parnassius de Gian Cristoforo Bozano dont beaucoup proviennent de collectes personnelles effectuées au Ladak, au Tibet et en Chine.


Vente le 12 décembre 2025 à 14h15 à l’hôtel des Ventes.

Exposition publique : le vendredi 12 décembre de 9h15 à 12h.

Esquisse au fusain d'un homme de profil
7 octobre 2025
Le regard est sombre et perçant. Les autoportraits nombreux, nous interrogent. Et lui ? Que pensait-il ? Né en Russie, où il étudie aux beaux-arts de Kiev et à Pétrograd, il fuit la Russie lors de la montée de l’antisémitisme. En 1925, il rejoint son ami Chagall et s’installe passage Dantzig à Paris. La Ruche, vivier d’artistes de l’école de Paris devient sa nouvelle patrie. C’est Alfred Boucher en 1895 qui a l’idée de ce lieu immense dédié à de jeunes artistes démunis. Fernand Léger, Chaïm Soutine, Zadkine, Cendrars, Masson, Kisling sont là. Un âge d’or qui a la couleur du miel. Chapiro les côtoient, les salons lui ouvrent leurs portes : le salon des Indépendants, le salon d’Automne. Il expose également à la galerie Bonaparte. La Ruche, Chapiro y tient et lui dédie un ouvrage en 1960, un récit anecdotique de la vie quotidienne des artistes là-bas. Lorsqu’elle est menacée en 1967 de destruction par des promoteurs, aux côtés de Chagall, il se bat pour elle. Ils obtiennent gain de cause. La Ruche est sauvée de la destruction. Pourtant, il faut partir à nouveau. Tout quitter. En 1939, le régime de Vichy est au pouvoir. Le danger est là. Direction le Sud de la France, puis l’Italie. En 1945, à la libération, il revient en France, sa patrie d’adoption. Il expose également à Londres. Il en ramène des vues des ponts de Londres. Paysages, portraits, natures mortes, nus féminins. Il explore tous les champs des possibles. Toutes les techniques aussi : huiles, collages, fusain, peinture sur céramique.
Peinture médiévale représentant Marie et Jésus avec des auréoles, vêtus de robes, sur un fond à motifs rouges
7 octobre 2025
Tout commence par un rendez-vous à l’étude, un client doit nous déposer des tableaux. Au milieu d’œuvres mineures, un tableau se distingue. Une vierge aux traits d’une grande délicatesse tend vers l’enfant Jésus une main déliée. Lui regarde sa mère plein de confiance avec peut-être une once d’interrogation. Sa petite main enserre le pouce de la vierge, de l’autre, il cherche à attraper son pied… des gestes enfantins si naturels. Elle a le regard grave, elle sait son destin. Les auréoles chatoient autour de leurs deux têtes, ils sont assis sur un trône ornementé comme une enluminure. Le reste de l’œuvre est noire et pourtant il y a quelque chose dans cette œuvre. Alors les investigations commencent. Le réputé cabinet Turquin s’attèle à la tâche de découvrir ses secrets. Un examen radiographique en révèle un premier. On découvre sous le fond noir réalisé au XIXème siècle une architecture formée d’arcatures ouvertes sur plusieurs niveaux retenant un drap d’honneur. Pour l’auteur, les experts le dévoilent après quatre mois de recherches soutenues.