Jacques CHAPIRO (1887 – 1972) : un artiste de la Ruche

7 octobre 2025

Le regard est sombre et perçant. Les autoportraits nombreux, nous interrogent. Et lui ? Que pensait-il ? Né en Russie, où il étudie aux beaux-arts de Kiev et à Pétrograd, il fuit la Russie lors de la montée de l’antisémitisme. En 1925, il rejoint son ami Chagall et s’installe passage Dantzig à Paris. La Ruche, vivier d’artistes de l’école de Paris devient sa nouvelle patrie. C’est Alfred Boucher en 1895 qui a l’idée de ce lieu immense dédié à de jeunes artistes démunis. Fernand Léger, Chaïm Soutine, Zadkine, Cendrars, Masson, Kisling sont là. Un âge d’or qui a la couleur du miel. Chapiro les côtoient, les salons lui ouvrent leurs portes : le salon des Indépendants, le salon d’Automne. Il expose également à la galerie Bonaparte.


La Ruche, Chapiro y tient et lui dédie un ouvrage en 1960, un récit anecdotique de la vie quotidienne des artistes là-bas. Lorsqu’elle est menacée en 1967 de destruction par des promoteurs, aux côtés de Chagall, il se bat pour elle. Ils obtiennent gain de cause. La Ruche est sauvée de la destruction.


Pourtant, il faut partir à nouveau. Tout quitter. En 1939, le régime de Vichy est au pouvoir. Le danger est là. Direction le Sud de la France, puis l’Italie. En 1945, à la libération, il revient en France, sa patrie d’adoption. Il expose également à Londres. Il en ramène des vues des ponts de Londres. Paysages, portraits, natures mortes, nus féminins. Il explore tous les champs des possibles. Toutes les techniques aussi : huiles, collages, fusain, peinture sur céramique.

Couple de mariés : mariée en robe blanche, marié en costume noir, se tenant la main
Croquis au crayon d'un homme de profil
Dans toutes ses œuvres, une gravité, une vérité. La vérité du quotidien, celles des ouvriers, des souffleurs de verre, d’un marin, d’une tête de bœuf, ou d’un crabe posés sur une table sans cérémonie. La vérité des visages de ceux qui posent. Les traits sont déformés, allongés, on y voit un peu de Soutine, on entrevoit du Bacon. Les femmes enfin, les nus sont arrondis, plus doux…Des mariés célèbrent un amour que l’on veut croire éternel et qui font penser à ceux de Chagall. Mais l’éternel, qu’est-ce au fond ? Dans la littérature, peut-être le trouvera-t-il. Alors il pénètre dans l’univers de Don Quichotte, celui de La Fontaine et donne vie une nouvelle fois aux immortels. 

Lui qui s’éteint en 1972, après avoir partagé sa vie entre Paris et le Beaucet, laisse derrière lui des œuvres, reflets de son âme, celle d’un homme de son temps qui côtoya les grands noms de la peinture. A Chicago, à Moscou, au Centre Pompidou et au Jeu de Paume à Paris, au Leeds Museum à Londres on peut retrouver son travail, sa part d’immortalité.

La vingtaine des œuvres présentées aujourd’hui nous vient d’une seule et même collection.
Attribué à Gabriel GRESLY (1712-176) trompe l'oeil adjugé 15 375 euros  frais compris
9 décembre 2025
L’illusion séculaire. La leçon d’un maître à son élève. Tout part d’un défi. Pline l’Ancien nous en fait la narration dans son Histoire naturelle. Zeuxis, peintre émérite décide de défier son élève Parrhasius et choisit de représenter des raisins. La virtuosité de l’artiste est telle que des oiseaux tentent de les picorer. Sûr de sa victoire, il se tourne vers son élève et lui demande de dévoiler son œuvre qu’il croit cachée derrière un lourd rideau… Or, il n’y a point de rideau ! L’élève a trompé son maître alors que ce dernier ne se sut abuser que de simples animaux… Une histoire de talent mais aussi d’humilité. Un pari que des artistes depuis l’antiquité n’ont eu de cesse de relever et ce jusqu’à nos jours. Les villas ensevelies sous la lave du Vésuve ont dévoilé au XIXème siècle, des intérieurs dans lesquels se déploient des colonnes de marbre et des frises sculptées dont les contours restent plats au toucher… Mantegna fait entrer le ciel dans la chambre des époux au palais ducal de Mantoue au XVème siècle, rien de moins. L’architecture, la nature mais aussi les objets sont entrainés dans cette valse du mimétisme. Des objets inconnus, rares, bizarres… Le XVIIème siècle se passionne pour les cabinets de curiosité. Domenico Remps les prend pour sujet. Il les représente avec un talent tel que l’on pourrait se croire capable de saisir les objets de collection sur les étagères. Le XVIIIème ne dément pas ce goût pour l’illusion. Gabriel Gresly, Jean-Etienne Liotard et Pillement trompent leurs contemporains et ce pour leur plus grand plaisir. Point d’allusion au XIXème siècle sans mentionner le facétieux Leopold Boilly qui, dit-on, aurait inventé le terme « trompe l’œil » ... Il nous présente en 1810, sur un guéridon des pièces de monnaies et autres ustensiles, criants de vérité. En dépit des débats philosophiques qui s’agitent depuis des temps immémoriaux pour dénigrer l’Art …cette pâle imitation de la réalité et par la même dénué de grandeur et de sens, le XXème siècle signe et persiste. Réalité et art continuent à marcher de concert avec des artistes tels que Magritte et son tableau « La condition humaine » de 1933. Une toile est sur un chevalet devant une fenêtre ouverte et l’on peine à distinguer l’œuvre du paysage…Vasarely quant à lui donne l’illusion du mouvement … hypnotique. Mais il y aussi Henri Cadiou et sa Joconde dans un emballage déchiré, Gerhard Richter dont l’œuvre est à découvrir en ce moment à la fondation Vuitton à Paris, J.R et son anamorphose en 2019, au pied de la pyramide du Louvre que l’on croit jaillir d’un gouffre. N'en déplaise à Hegel qui dans son Cours d’esthétique ne trouve nul intérêt à un simple duplicata…
Peinture médiévale représentant Marie et Jésus avec des auréoles, vêtus de robes, sur un fond à motifs rouges
7 octobre 2025
Tout commence par un rendez-vous à l’étude, un client doit nous déposer des tableaux. Au milieu d’œuvres mineures, un tableau se distingue. Une vierge aux traits d’une grande délicatesse tend vers l’enfant Jésus une main déliée. Lui regarde sa mère plein de confiance avec peut-être une once d’interrogation. Sa petite main enserre le pouce de la vierge, de l’autre, il cherche à attraper son pied… des gestes enfantins si naturels. Elle a le regard grave, elle sait son destin. Les auréoles chatoient autour de leurs deux têtes, ils sont assis sur un trône ornementé comme une enluminure. Le reste de l’œuvre est noire et pourtant il y a quelque chose dans cette œuvre. Alors les investigations commencent. Le réputé cabinet Turquin s’attèle à la tâche de découvrir ses secrets. Un examen radiographique en révèle un premier. On découvre sous le fond noir réalisé au XIXème siècle une architecture formée d’arcatures ouvertes sur plusieurs niveaux retenant un drap d’honneur. Pour l’auteur, les experts le dévoilent après quatre mois de recherches soutenues.